Ma prochaine entrevue avec une teinturière est avec Monica de Round Mountain Fibers =)
Note: Cette entrevue devait être publiée il y a longtemps, mais j’ai oublié de peser sur le piton!
Q: Alors Monica, qu’est-ce qui a transformé ta relation avec la laine en entreprise?
R: Honnêtement, je n’avais jamais pensé à travailler dans le domaine de la fibre. À l’école, j’ai failli étudier le design de mode, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre dans mon petit collège où les étudiants semblaient plus absorbés par les sujets plus durs comme la philosophie, la littérature ou les comparatifs religieux. J’ai gradué avec un bac en arts visuels et une concentration en architecture et travail du bois. J’ai eu une carrière intéressante, jouant dans des arts obscurs comme le soufflage scientifique du verre.
Je suis tombée sur le domaine de la fibre en acceptant un emploi à temps partiel chez Frabjous Fibers, un studio situé à Brattleboro, VT. Je suis devenue accro à la couleur – ça me venait naturellement. Chaque matin, j’arrivais dans le stationnement et je faisais une pause pour tout absorber. Au bout du stationnement, sur des rails abandonnés, je voyais tout plein d’oiseaux. Pendant le dîner, je regardais les faucons ou les aigles voler au-dessus de moi, au-dessus de la rivière. C’est comme ça que m’est venue l’idée de créer des coloris inspirés par les oiseaux que j’aime tant.
Q: Avant tout ça, quelle était ta relation avec la laine?
R: Ma mère est colombienne et j’ai grandi en Amérique latine. Ma mère cousait tous mes vêtements et tricotait ou crochetait mes bas et mes sous-vêtements. Elle était toujours penchée sur un projet: de la couture toute fine, ou du tricot ou crochet avec du fil de coton blanc. Ma grand-mère était couturière et designer. Elle vivait dans un petit village et ne parlait pas français, mais suivait la mode en provenance de Paris (Coco Chanel étant sa préférée) et faisait tomber des murs. Comme tout enfant, je suppose que je n’appréciais pas vraiment.
Le tricot commencé à m’intéresser quand je suis déménagée au Vermont pour étudier. Les hivers froids vont très bien avec la laine et les arts de la fibre. Bien que mes goûts sont probablement influencés par les forêts tropicales et la campagne de mon enfance, je suis particulièrement inspirée par les oiseaux d’hiver: un éclat de couleur dans un monde monochromatique.
Q: Est-ce que Round Mountain Fibers est ton seul emploi?
R: En décembre 2014 j’ai quitté Frabjous Fibers pour me lancer en affaires. J’aimais beaucoup mon emploi mais il devenait difficile pour moi de travailler pour quelqu’un d’autre, je voulais prendre mon envol. Nous avons donc bâti un petit studio dans mon garage. C’est un tout petit espace, 16’ by 22’, mais je l’aime. Le plancher est turquoise, j’ai un petit foyer. Ma table de travail offre une vue sur la cour arrière et les mangeoires et le bois. Je travaille à temps plein et mon fils de 13 ans m’aide l’été. C’est un apprenti fantastique, mais je pense qu’il a de plus grandes ambitions que de travailler pour sa mère!
Jusqu’à tout récemment, je travaillais seule. Je suis assez solitaire et j’aime la tranquillité dans mon studio. En même temps, j’avais besoin d’interaction avec d’autres humains. J’ai trouvé une super amie et collègue en Francesca Bourgault, mon bras droit. Elle s’occupe de tout ce que je déteste faire: la facturation, se battre avec le site web et m’aide à m’organiser. Nous développons aussi des patrons ensemble et c’est super excitant!
Q: Quel est ton processus de teinture?
R: Je teins en petites quantités (4 à 6 écheveaux à la fois). C’est une approche qui demande plus d’ouvrage, mais ça compte pour moi. J’ai un lien avec chaque écheveau et chaque fois c’est une nouvelle expérience. Il y a tant de vraiables qui affectent le processus chaque jour: de la qualité de la lumière qui entre dans le studio, jusqu’au temps de bain et la température de l’eau. Je teins aussi de la fibre et le chox entre les 2 est quelque chose. C’est totalement différent.
Q: Comment as-tu appris?
R: J’ai tout appris de Stephanie Shiman chez Frabjous Fibers & Wonderland Yarns. Je lui dois tout. C’est elle qui m’a fait entrer dans le monde de la fibre. Je serai toujours reconnaissante qu’elle ait partagé sa passion avec moi, qu’elle m’ait tout appris à propos de la laine et de la fibre.
Q: Qu’est-ce qui inspire tes couleurs?
R: Les oiseaux et leur plumage; principalement, les oiseaux d’Amérique du Nord. J’aime le jeu de couleur des pluments: le dégradé subtil et le contraste de bandes de couleurs. Tous mes semi-solides sont basés sur mes coloris alors les laines s’accordent et se complémentent bien.
Q: Fais-tu du crochet, du tricot ou autre chose avec la laine?
R: J’aime le filage. J’aime combien le filage est physique, intuitif et méditatif. Le tricot est un processus plus intellectuel pour moi. J’aime tricoter, mais le filage me rend heureuse.
Q: As-tu d’autres passe-temps?
R: Je jardine. J’aime les vivaces et les plantes qui se propagent. J’apprends aussi à m’occuper de légumes, mais j’ai de la difficulté avec les mauvaises herbes. Je n’aime pas non plus éclaircir les pousses, alors je récolte moins que je devrais. J’élève aussi des poules et vends les oeufs.
En couple on rénove aussi notre petit bungalow, mais mon passe-temps préféré est de faire la sieste, idéalement au soleil.
Q: Parle-moi de ta famille, de tes animaux, d’où tu viens…
R: Je vis en couple et avec mon fils de 13 ans, Gavin, à Brattleboro, VT. Nous avons un vieux chien magané qu’on appelle “Little One.” J’ai cette tendance à trouver des chiens anciens qui ont besoin d’amour. C’est mon 3e chien antique. J’ai promis à mon fils que le prochain aura moins de 12 ans!
Nous avons aussi des poules, un jardin et nous aimons explorer les bois et rivières aux alentours de la vallée de la rivière Connecticut.
Q: Quelles sont tes valeurs et celles de ton entreprise?
R: J’ai toujours voulu rendre le monde meilleur et je me sens souvent coupable de travailler en art plutôt qu’en activisme. Je fais ce que je peux pour attirer l’attention des gens sur les respect des autres et de la nature. Je suis une féministe fière et une alliée pour les gais, lesbiennes, transgenres et tous les autres. Je travaille avec plusieurs designers et c’est important pour moi que les vêtements soient neutres. Je veux de belles couleurs pour de belles personnes – peu importe leur race, genre ou orientation.
Q: Quels sont tes coloris préférés? Est-ce que ta clientèle a les même?
R: La plupart de mes préférés sont aussi mes meilleurs vendeurs. J’essaie de me démettre de mon aversion pour le jaune. C’est tellement difficile à teindre: la moindre poussière de couleur trouvera toujours son chemin vers un écheveau de jaune! C’est encore plus vrai dans un petit studio. J’aime aussi mélanger les couleurs froides aux couleurs chaudes.
Q: Qu’est-ce que tu espères pour Round Mountain Fibers?
R: Je pense beaucoup à ça. Être travailleur autonome c’est difficile. J’ai travaillé pour plein de personnes talentueuses qui se sont noyées dans la paperasse, la comptabilité, tout ce qui les empêchait de faire ce qu’elles aimaient. J’ai donc beaucoup réfléchi à ce que je veux pour mon entreprise et ma vie personnelle. Ma conclusion c’est que je dois mettre une limite à ma croissance – je dois garder mon entreprise relativement petite. N’importe qui qui a écrit un plan d’affaires vous dira que les projections ça ne vaut rien. Mais elles vous permettent quand même de prévoir toutes les éventualités. En étudiant les chiffres, j’ai décidé que je travaillerais avec un maximum de 50 boutiques de laine. Je travaille maintenant à les trouver et ce, à la grandeur du pays. Comme je travaille sur la base du premier arrivé premier servi, certaines boutiques sont très petites.
J’ai confiance que mon branding fait ce qu’il a à faire et que grâce à internet, tous les gens qui veulent mon produit pourront se le procurer. En gros, je préfère vendre plus de laine à moins de boutiques et pouvoir focuser sur ce que j’aime, ce qui est de créer des couleurs et expérimenter avec la teinture. Mon entreprise a moins d’un an (le lancement a eu lieu officiellement à TNNA à l’été 2015) – NDLR: donc bientôt 2 ans, parce que cette entrevue est publiée en retard! Nous venons d’ajouter un club de laine – pour continuer l’exploration des couleurs, sans que la grosseur de l’entreprise ne soit affectée.
Merci, Monica!
Suiez Round Moutain Fibers:
Julie xx